Bouture mise en terre dans un pot.

Bouture et marcotte : multiplication des vivaces

Saviez-vous qu’avec quelques amis jardiniers ou voisins sympas il était possible de se faire un jardin sans dépenser le moindre euro ? On utilise pour cela la bouture ou la marcotte. Ceci est permis grâce au pouvoir des plantes et à leur incroyable capacité à se multiplier. Un fragment de plante peut souvent suffire à reproduire une plante identique au plant mère à laquelle on a pris ce fragment. On obtient même très précisément un clone, au sens véritable du terme. Une branche par ci et une branche par là, et en un rien de temps on se fait un petit potager avec toutes sortes d’espèces, sans aller en jardinerie dépenser un centime.

La nature est abondance !
Puisqu’on vous le dit 🙂
Suivez le guide…

Un peu de biologie : la multiplication végétative.

– Un clone vous dites ?
– Oui ! Parfaitement identique au pied mère. La brebis Dolly n’a qu’à bien se tenir, et pour cela pas besoin de manipulations génétiques.

Dialogue extrait du cerveau d’un membre de Terra Preta.

Les plantes possèdent un super-pouvoir, que nous autres, humains, mammifères et nombreux autres animaux n’avons pas : la multiplication asexuée (sans sexe).
La multiplication asexuée consiste en la génération d’un nouvel individu sans passer par le sexe. En termes moins techniques, les plantes savent se multiplier sans faire de graines (certaines, d’ailleurs, ne savent se multiplier que de cette manière).
Elles savent aussi, bien sûr, se reproduire via le sexe. Dans ce cas, cela abouti à la génération d’un nouvel individu, unique génétiquement, croisement du pollen du père et de l’ovule de la mère.

Mais quand un fragment de branche, se retrouve par le plus grand des hasards dans l’eau ou sous la terre, les cellules de la tige du tronc peuvent faire des racines. Au bout d’un certain temps, ce membre se détache de son parent et devient tout à fait autonome. Mais dans ce cas là, pas de brassage génétique entre les caractéristiques du père et de la mère. Pas de reproduction sexuée via le mélange du pollen d’une fleur avec l’ovule d’une autre fleur. Pas de fruits et pas de graines. Il n’y a qu’un seul parent qui lègue toutes ses caractéristiques génétiques. On obtient alors un clone, parfaitement identique à son parent.

Pour imager le propos, c’est comme si vous perdiez un bras, et que de ce bras, un individu identique à vous se constituait. On n sait pas si cet individu penserait comme vous. Mais étant donné qu’il aurait sa vie et ses expériences propres, on peut supposer qu’on aurait une variante possible de vous, parmi de multiples autres variantes possibles de vous.

– Étrange ?
– Oui…
– Bon ! Mais à quoi cela peut-il servir ?

Dialogue extrait du cerveau d’une variante d’un membre de Terra Preta.

Pour les plantes, c’est un moyen rapide de se multiplier et de coloniser un territoire. Mais ce mode de multiplication comporte un risque. Risque bien connu par ceux qui utilisent des clones dans l’agriculture. Tous les individus sont identiques, ils sont donc très sensibles à l’attaque d’un prédateur, ou d’une maladie. C’est pourquoi les plantes n’utilisent généralement pas que cette multiplication. Sous réserve qu’elles n’aient pas été modifiées génétiquement (pardon, je veux dire sélectionné) pour ne pas produire de graines. On voit ça de plus en plus pour les raisins et clémentines sans pépins, les tomates et bananes sans graines

Pour nous, humains, c’est un gros avantage, car il suffit d’un bout de branche pour dupliquer la plante. Pas besoin de partir de zéro (c’est à dire de la graine) pour obtenir une plante qui nous intéresse. De plus, en passant par cette multiplication végétative on s’assure que toutes les caractéristiques de la plante qui nous intéressent sont conservées (technique de la greffe). Attention toutefois à ne pas en abuser dans un jardin. Sinon vous produirez une monoculture de clones qui seront eux aussi, plus sensibles aux prédateurs et/ou aux maladies.

Prélèvement d’une bouture

Quelques règles sont à connaître pour que la bouture soit bien préparée et puisse développer correctement ses racines. Regardons cela de plus près.

La période

Selon les plantes, les périodes de bouturage peuvent varier. Mais d’une manière générale, de la fin de l’automne et jusqu’au début du printemps, c’est une bonne période pour faire des boutures. Un autre indicateur est de prendre un fragment de la plante lorsque celle ci n’est pas en fleur ou en fruit. En effet, c’est le moment où la plante est programmée pour se multiplier végétativement plutôt que sexuellement. Vous augmenterez ainsi les chances de reprise.

Prélever une bouture

La règle générale pour sélectionner une branche à bouturer est de couper au ciseau ou au sécateur un rameau au dessus d’un bourgeon ou d’une branche. On préconise d’utiliser des outils bien aiguisés et pas sales (voire stérilisé avec de l’alcool). Au passage, ce prélèvement permet de tailler la plante et de lui donner une forme plus compacte. Il faut sectionner le rameau assez proche du bourgeon (environ 1cm), car la plante abandonnera dans tous les cas le bout de tige situé après.

Schéma des coupes de boutures : au dessus des bourgeons et des branches.

Préparer la bouture

Afin d’augmenter les chances de développement des racines, et d’éviter que la branche ne pourrisse dans la terre ou l’eau, on s’assure que la bouture ne fasse pas plus de 15cm. Au besoin on retaille la partie déjà coupée. Si le fragment est plus long, on le redimensionne à la bonne taille en faisant avec cette même branche plusieurs boutures.

Découpe d'un rameau au dessus d'une branche.
Découpe d’un rameau au dessus d’une branche.

Ensuite il faut effeuiller la partie basse de la tige, il faut donc bien se rappeler comment la branche était orientée quand on l’a coupé (cela peut paraître évident, mais avec certaines plantes ça ne l’est pas tant que ça). La partie basse fera des racines; la partie haute : des feuilles. N’inversez pas, car sinon la bouture ne prendrait pas.
Mettez la tige à nu sur 4/5cm, c’est cette partie là qui sera mise en terre ou en eau. De l’autre côté, on peut retirer tout ce qui était fleurs ou fruits. La plante va dépenser toute son énergie à survivre et donc se concentrer sur ses racines. En enlevant ces éléments vous lui faciliterez la tâche puisqu’au final elle finirait par les abandonner.

Bouture de verveine prête à être effeuillée.
Bouture de verveine prête à être effeuillée.
Bouture de verveine effeuillée.
Bouture de verveine effeuillée.
Etêtage de la bouture.
Étêtage de la bouture pour faciliter l’enracinement.

Deux types de boutures

Il existe deux types de boutures : celles que l’on réalise en mettant une branche dans un verre d’eau et l’autre en mettant la branche dans un pot rempli de terre.
Mais comment savoir quelle méthode utiliser ? En effet, bien qu’il soit possible de réaliser les deux pour tous types de plantes, vous aurez de meilleurs résultats lorsque vous utiliserez l’une ou l’autre méthode en fonction de la plante.

Le secret ? La plante possède une haute teneur en lignine (molécule constituante de l’écorce) ou bien elle en possède peu. Dans le premier cas, celui où la plante possède une écorce dure (couleur brune) il faudra privilégier la terre. Dans le second cas, la plante n’a pas d’écorce, la tige est verte et souple, il faudra privilégier l’eau.

Écorce brune dure -> bouture terre

Tige verte souple -> bouture eau

C’est une règle générale, tirée de ma propre expérience. Comme toujours avec la Nature, nous ne pouvons pas définir de règles sans qu’il n’y ait d’exceptions. L’expérience personnelle prime donc sur toutes les règles que vous pourrez trouver. Celle qui est donnée ici ne fait pas exception.

Méthodologie de la bouture avec de l’eau

Une fois le fragment de plante prélevé selon la méthode vu précédemment, et après avoir effeuillé le bas de la tige, il ne reste plus qu’à les plonger dans un verre d’eau. L’eau doit si possible être de l’eau de pluie, plus naturelle que celle du robinet et contenant moins (moins ne veut pas dire aucun, on est d’accord !) de produits chimiques. Ce n’est pas indispensable, mais cela augmente encore un peu plus les chances de voir apparaître des racines. Si vous n’avez que de l’eau du robinet, laisser l’eau à l’air libre au minimum une heure pour que le chlore de l’eau s’évapore avant d’y plonger les boutures.

Boutures de menthes et coriandre vietnamienne dans des verres d'eau.
Boutures de menthes et coriandres vietnamiennes (« Rau ram ») dans des verres d’eau.

Il ne reste plus qu’à attendre que les tiges développent des racines. Il faut pour cela attendre une à plusieurs semaines (jusqu’à plus d’un mois selon les espèces). Lorsque le réseau racinaire se développe, on sort la bouture du verre d’eau. On peut alors la planter précautionneusement dans un pot avec de la terre (mélangée à du sable ou un structurant qui allège la terre comme de la perlite ou du sable).

Méthodologie de la bouture avec de la terre

En ce qui concerne cette méthode, on utilise le même type de fragment, mais cette fois on va le mettre dans la terre. La terre doit-être un mélange de terre riche (compost par exemple) et de sable pour alléger et drainer la terre. On peut aussi utiliser du terreau. Ceci est l’idéal. Cependant si vous n’avez pas ça sous la main, cela fonctionne aussi avec une terre lourde et argileuse. Mais vous aurez probablement de moins bons résultats pour la reprise, mais quand on n’a que ça…

Gobelet en plastique percé comme pot.
Gobelet en plastique percé comme pot.

Pour commencer, prenez un pot (en plastique ou en terre cuite, peu importe) percé au fond. Le trou au fond, permet à l’eau de ne pas stagner. Placez au fond un caillou, pour laisser l’eau s’écouler par le trou du fond sans que la terre s’échappe. Mettre un peu du mélange de terre au fond. Maintenir la bouture dans le pot avec une main et ajouter de la terre avec l’autre. Ajouter jusqu’à recouvrir totalement la partie effeuillée de la tige. Une fois couverte, on vient légèrement tasser la terre.
Un autre moyen est de remplir le pot de terre, puis d’enfoncer avec soins la tige dans la terre jusqu’aux premières feuilles puis de tasser autour de la tige.

Ajout de terreau dans le pot.
Ajout de terreau dans le pot.

Puis on arrose abondamment. Le pot est prêt.

Bouture mise en terre dans un pot.
Bouture mise en terre dans un pot.
Arrosage de la bouture.
Arrosage de la bouture.

Pour l’entretien du pot, il faut bien veiller à maintenir constamment humide la bouture pour qu’elle reprenne. On placera le pot dans un lieu à l’abri de la lumière directe du soleil, et des grosses chaleurs.

Mise en serre des boutures.
Mise en serre des boutures.

Le marcottage

La marcotte est relativement similaire à la bouture. On va l’utiliser principalement pour des plantes dites ligneuses, avec une écorce donc. Bref, pour des arbres et des buissons. Mais alors pourquoi ne pas utiliser le bouturage ? Car les sections des tiges sont plus grosses.

On va se baser sur les mêmes propriétés naturelles des plantes que pour la bouture. Lorsqu’une branche entre au contact du sol, l’humidité favorise la poussée des racines au niveau de l’écorce. Si tout se passe bien, avec plus ou moins de difficultés selon le terrain, le climat, l’espèce, la branche s’enracine. Puis elle se sépare de sa mère pour donner naissance à un nouvel individu. Encore une fois, c’est un clone qui naît (pas de sexe, pas de croisement génétique).

Exemples de marcottage naturel

Le fraisier

L’exemple probablement le plus connu est celui des fraisiers. Le plant mère fait des stolons (sortes de tentacules végétaux explorateurs) qu’il lance à l’assaut des 30cm de terrain environnant. Dès que le stolon touche le sol, il s’enracine, puis repart en conquête des 30cm d’espace suivant. Et ainsi de suite, jusqu’à trois, quatre fois avant le début du printemps.
Le ravitaillement en éléments nutritifs est ainsi assuré par ce tentacule nourricier. Il assure un bon départ pour le nouveau plant de fraisier en devenir. Mais ce sevrage ne dure qu’un temps avant que le stolon ne dépérisse. Il laisse alors le jeune plant se débrouiller par lui même, une fois que celui ci devient autonome avec les racines qui lui sont propres.

Le cas du saule

Le saule est un genre d’arbres très intéressant. Il contient plus de 360 espèces.
En plus de synthétiser l’acide acétylsalicylique (oups, pardon, je veux dire l’aspirine !), il produit aussi une grande quantité d’hormones de croissance. Qui dit hormone de croissance, dit hormone de bouturage ! Pour faire court, l’hormone favorise la pousse des racines de nos boutures. Pour savoir comment cela agit au niveau de la bouture, je vous invite à lire cet article de wikipedia : l’eau de saule. Vous y trouverez aussi comment la faire et l’utiliser.

Marcottage artificiel

D’accord, mais comment utiliser ce super pouvoir au jardin ?

Et bien, il existe plusieurs moyens qui sont tous plus ou moins similaires, mais qui s’adaptent en fonction des plantes à marcotter. L’idée dans tous les cas est de mettre une branche dans de la terre humide et d’attendre.

Tige souple

Le premier cas est celui où la plante possède des tiges souples. On va alors plier une des tiges pour l’enterrer avec une bonne couche de terre (et/ou de compost si on en a) au milieu de la tige . Arrosez, et maintenez humide jusqu’à la prise. Après plusieurs mois, gratter la terre, si les racines sont présentes vous pouvez sectionner la branche. Vous avez alors un nouveau plant !

La tige souple est contrainte avec des piquets à passer sous la terre. Elle donnera après plusieurs mois des racines. Il faudra alors la couper pour la replanter.

Tige ligneuse solide

Deuxième cas, la tige est un tronc. Difficile cette fois de plier la branche jusqu’au sol… L’idée est d’emmailloter une branche avec un sac contenant de la terre/compost humide. Le but est de faire une poche étanche autour de l’écorce, sur une longueur de 15cm environ. On pourra prendre un sac plastique (transparent pourquoi pas) qu’on ficellera comme un bonbon. Lorsque, après plusieurs mois, des racines apparaîtront, on pourra couper la branche et replanter le nouveau clone.

La branche ligneuse de l’arbre ou arbuste est entourée d’un sac rempli de terre ou de compost humide, puis ficelée. Quelques mois plus tard, la branche aura fabriqué des racines, il sera alors temps de la couper pour la replanter.

La cépée

Troisième cas, il ne reste plus qu’une souche de l’arbre qui fait néanmoins des rejets. On pratique alors ce qu’on appelle une cépée. On va enterrer la souche et les rejets à leurs bases pour les inciter à faire des racines. Après plusieurs mois, les rejets se seront enracinés, et il ne restera plus qu’à les prélever pour obtenir une ribambelle de nouveaux arbres. Cette technique est très utilisée pour multiplier les portes-greffes. On réalise en général un semis d’arbres francs. Une fois les arbres sélectionnés selon leur résistance et leur vivacité, on les multiplie selon cette méthode.

Avec la cépée, on favorise la poussée des rejets de souche en ajoutant de la terre tout autour de la souche. Les rejets feront alors des racines plus haut sur leurs troncs. Il suffira alors de les couper pour récupérer des nouveaux plants.

Dans tous les cas : cépée, tige souple ou ligneuse, on peut favoriser la formation des racines avec de l’eau de saule. Il suffit alors d’ajouter ces hormones naturelles à l’eau ou à la terre qu’on utilise pour les boutures ou marcottes.

Conclusion

Avec ces méthodes de multiplication, vous pourrez planter et conserver toutes sortes de variétés. Retenez bien que ce n’est pas une science exacte que vous aurez des échecs tout autant que des réussites inattendues. Pensez alors toujours à prendre plusieurs fragments d’une plante pour ne pas dépendre de la réussite que d’un seul essai. Et si à la fin tout prend et que vous en avez trop, vous pourrez toujours le donner à un jardinier qui sera bien content de cultiver une nouvelle plante…

…on vous a dit que la nature est abondance ?

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