Précédemment, nous avons vu comment les plantes se reproduisent. Puis nous avons observé les différentes techniques de sélection. Aujourd’hui nous allons nous intéresser à la récolte des graines et leur conservation.
Récolte et tri des semences
La récolte et le tri sont les deux étapes après la sélection. Une fois que les individus sont identifiés et choisis, il faut récolter les graines afin de les stocker. On pourra alors les ressemer l’année suivante.
Récolter les graines
Il faut se munir d’un sécateur, et d’un sac ou d’un seau.
On récolte lorsque les tiges des plantes sont complètement sèches (c’est à dire brunes). Les terminaisons florales qui portent les fruits ne sont alors plus alimentées. Certaines espèces cependant ne portent jamais leurs graines jusqu’à complète maturité, il faudra alors les ramasser avant que celles-ci ne tombent au sol.
Selon l’espèce on récupérera :
- toute la plante (pois, mâches, betteraves), en coupant au plus près du sol et en essayant de faire tomber le minimum de graines.
- la tête (coquelicots, oignons, tournesols). On coupe en général à 10/20cm en dessous de la tête.
- les tiges florales (bourraches, consoudes, choux, navets, roquettes). On prélève les tiges au fur et à mesure de la maturation, en prenant le plus de tige possible.
Les plants ou parties de plants coupés seront mis à l’ombre et au sec. En général on fait des petits bouquets que l’on retourne afin que le restant de sève dans les tiges finissent de faire maturer les graines.
Récolte au sol, cueillir les fruits
Pour les aubergines, concombres et courgettes il faut attendre la sur-maturité du fruit, puis cueillir. Parfois, il faut plusieurs semaines après le stade où le fruit est consommable. On récupérera alors les graines dans le fruit en l’ouvrant.
Pour les tomates et les poivrons (heureusement), on récolte les fruits à maturité. On n’est pas obligés de sacrifier le fruit pour récolter les graines. Une petite extraction avant la consommation et le tour est joué.
Pour les courges il faut attendre que le pédoncule attenant le fruit soit sec (brun). On peut alors, lors de la consommation, mettre de côté les graines.
Dans le cas des capucines et des tétragones, les graines seront à ramasser directement au sol et pas sur la plante.
Certaines espèces de plantes ne délivrent leurs graines matures qu’au fil du temps. Il faudra donc s’armer de patience et récolter (parfois tous les jours) les graines au fur et à mesure de la maturation. Exemples : haricots, pois et fèves.
Battage
Lorsque la plante est bien sèche on peut procéder au battage afin d’extraire les graines de leurs enveloppes.
On pose sur une bâche l’ensemble des fragments, et l’on bât, secoue, roule le contenu. Si les quantités sont plus petites on peut utiliser un sac. On récupère la masse végétale obtenue et on effectue un pré-nettoyage en supprimant les morceaux de plante les plus gros. Selon le type de plante on pourra utiliser un tamis pour ne récupérer que les graines.
On notera que les déchets de battage feront un excellent paillis aux pieds des plantes.
Nettoyage, extraction et tri
Certaines espèces comme les poivrons ou les courges peuvent être nettoyées uniquement en dégageant la chair avec un couteau.
D’autres comme les tomates nécessitent une phase de fermentation pour séparer la graine du mucilage (mucus de protection) qui l’entoure. On plonge les graines dans un peu d’eau et on laisse fermenter. Au bout de deux jours, on renverse le liquide et les graines mûres doivent alors se séparer de la chair. Il faut nettoyer ensuite, les graines avec plusieurs rinçages successifs.
Dans le cas où il a fallu battre les graines, il reste encore une phase de tri. On pourra utiliser un tamis ou le vent. Bref, utilisez n’importe quelle méthode appropriée pour séparer les graines des fragments de plantes.
Séchage
En général on utilise des claies ou tout autre support horizontal, de préférence en bois et aéré, sur lesquelles on dispose les graines. On expose ensuite les semences au vent et au soleil. Puis on retourne régulièrement les graines pour bien les détacher les unes des autres.
Contrairement à une idée reçue, c’est principalement la quantité d’air plutôt que la température de l’air qui permet le séchage.
Attention lors de cette phase aux différents accidents qui pourraient se produire. On privilégiera des lieux protégés des animaux et du passage en général.
Stockage et traitement
Il est temps d’empaqueter nos graines dans des sachets en papier ou en tissus en veillant à ce que ceux-ci soient non-traités (non blanchis et avec le moins d’encre possible, ou alors avec des encres naturelles). Certaines encres peuvent en effet contenir des anti-germinatifs… On pourra ensuite les ranger dans des boites (en carton) mais sans jamais les enfermer dans un récipient étanche.
Les graines même en phase de dormance (sommeil végétatif) ont besoin de respirer. Ce sont des êtres vivants, des petits fœtus de plantes…
Reste à trouver un lieu aéré, protégé de l’humidité et de la chaleur. Un excès de ces deux derniers paramètres pourraient réveiller la dormance de la graine et déclencher la germination.
Plus les graines sont conservées au froid et plus on prolonge leur durée de vie. Celle ci peut varier de moins d’un an (panais) à des centaines d’années pour certains plantes.
Parfois certaines graines portent déjà en elle leurs prédateurs (c’est le cas du pois avec les bruches). Il faut donc impérativement passer les graines au froid pour éliminer les larves. On recommande de les laisser une semaine dans un congélateur (-18C°) et ce, une fois les graines parfaitement sèches. Le remède serait pire que le mal si les graines n’étaient pas sèches, car l’eau les congèlerait et ferait éclater leurs cellules. On reproduit, en fait, un phénomène totalement naturel : l’hiver. En effet, les grands froids de l’hiver éliminent, généralement, une grande partie de ces « indésirables ».
Réflexions
Cependant, vous pourriez remarquer que même après ce traitement, il peut rester encore, parfois, des bruches. Cela sera l’occasion de méditer sur le fait que la sélection naturelle s’applique constamment et pour tout. Et donc, en toute logique, après de nombreux passages au congélateur, il se peut qu’une bruche survive. Cette bruche va donner naissance à toute une ribambelle de bruches ayant en elle le potentiel, comme leurs parents, de résister au froid…
Fatalité ? Non ! Car de la même manière que le prédateur s’adapte, la “proie” aussi s’adapte (ici les graines des pois). Et il se pourrait que certaines graines soient délaissées par les bruches. La plante ayant trouvé le moyen de lutter contre son prédateur. A l’instar de l’humain qui use de son pouvoir pour annihiler ce qui ne lui plait pas (même parfois ce qui lui plait…), la nature est en constant équilibre, et un prédateur n’a jamais intérêt à supprimer définitivement ce qui le nourrit. C’est une sorte d’équilibre global dont la nature semble être consciente et que nous avons eu tendance, nous, humains, à oublier. Ne cherchons pas la perfection dans la destruction et laissons plus la nature s’exprimer, c’est un gage de survie pour notre futur.
Conclusion
Avec ces trois articles sur la reproduction des plantes, les méthodes de sélection des variétés, et les techniques de ramassage et de conservation de vos graines (ci-dessus), vous devriez être en mesure de réaliser vous-même vos premières graines.
Bien sûr, nous ne faisons qu’effleurer divers domaines complexes. Mais l’objectif est de donner les premiers outils pour que vous puissiez expérimenter chez vous ces savoirs. Car en réalité, nous aurions beau expliquer en long, en large et en travers, le meilleur moyen pour faire ses graines, c’est d’essayer. Commencez simplement, avec peu d’espèces. Découvrez comme il est gratifiant de faire ce que nos ancêtres ont fait pendant des millénaires. Retrouvez ces gestes simples, et prenez conscience de l’importance de retrouver et de transmettre ces savoirs.
Faire un petit potager avec ses propres graines est un acte de résistance contre ceux qui souhaitent, l’air de rien, faire de nous des esclaves.
Pour aller plus loin
Pour ceux qui n’ont pas encore trouvé assez d’informations dans ces articles, je vous conseille la lecture de quelques ouvrages et articles qui devraient satisfaire votre curiosité insatiable :
- La bible de la biologie végétale présentant les connaissances actuelles de la science sur ce sujet : Biologie Végétale par Raven, Evert et Eichhorn.
- Le livre ayant inspiré ces articles : Produire ses graines bio par Christian Boué.
- Un sélectionneur de génie français, prouvant que l’expérimentation vaut toutes les connaissances du monde, il fait pousser des tomates sans eau (rien que ça !) : Pascal Poot et sa femme dans le Potager de Santé
- Un sujet non abordé dans le dernier article, pour vérifier la qualité des graines ramassées (quand on en ramasse de grandes quantités) : les tests du taux de germination.
- Vous souhaitez faire un peu de génétique, comme le moine Johann Gregor Mendel, père de la Génétique ? Découvrez ses premières expériences simples : les lois de Mendel.
- Enfin, vous voulez partager vos graines ? Pourquoi ne pas faire une grainothèque ?
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